L'isomérie  
     
     
 
Depuis une quinzaine d'années, le Service de Physique Nucléaire de la Direction des Applications Militaires (DAM) du CEA, a engagé un important programme d'études théorique et expérimental sur les noyaux isomères.
 
     
  Qu'est-ce qu'un isomère ?

 
 
Les isomères nucléaires sont des états excités du noyau atomique possédant une durée de vie longue comparée à l'échelle de temps nucléaire. On appelle couramment isomère des états dont la durée de vie est mesurable, typiquement supérieur à la nanoseconde. Un isomère est caractérisé par sa période de décroissance (temps au bout duquel la moitié de la population de ces isomères a disparu), son énergie d’excitation et les nombres quantiques, spin et parité, relatifs à cet état spécifique.
 
 
On distingue communément 3 familles d’isomères nucléaires : les isomères de forme, de spin et les isomères K.
 
 
 
Les isomères de forme sont des états du noyau qui ont une déformation très différente de celle de l'état fondamental. Cela se traduit, dans la surface d’énergie potentielle, par l’existence d’un puits secondaire dans lequel le noyau pourra séjourner d’autant plus longtemps que ce puits est profond. Le 194Pb, l'238U et le 240Pu présentent une isomérie de forme.
Energie potentielle du 194Pb en fonction de la déformation
 
Les isomères de spin sont des états excités du noyau dont le spin est très différent de celui des niveaux inférieurs. Leur durée de vie est d'autant plus longue que l'énergie de la transition vers un état inférieur est petite et que la multipolarité de cette transition est élevée. Le premier état excité de l’uranium 235, d’énergie égale à 76.8 eV, est un isomère de spin qui se désexcite vers l'état fondamental par une transition E3 (voir tableau ci-dessous). Un autre exemple est le 65Ni.
Energie du fondamental et de l'isomère du 65Ni
 
L'isomérisme K fait intervenir le nombre quantique K qui est la projection du spin nucléaire total J sur l’axe de symétrie du noyau déformé. Un état du noyau est un isomère K s'il se désexcite vers un autre niveau pour lequel l'écart entre nombres quantiques K est supérieur à la multipolarité de la transition. Le 177Lu ou le 178Hf possèdent des états isomères K.
Bandes de niveaux construites sur l'état fondamental et deux états isomères K du 178Hf
 
     
 
Isomère Spin Forme K
Noyau 235U 238U 177Lu
Niveau Fondamental Isomère Fondamental Isomère Fondamental Isomère
Spin/Parité 7/2- 1/2+ 0+ 0+ 7/2+ 23/2-
Période radioactive 7.038 108 ans 26.8 min 4.468 109 ans 280 ns 6.647 j 160.44 j
Energie Isomère 76.8 eV 2.5579 MeV 970.175 keV
Transition E3 E2 -
 
     
 
Les états isoméres peuvent être étudiés au moyen de processus électromagnétiques mettant en jeu des photons ou des électrons, ou par des processus nucléaires, mettant en jeu des neutrons ou des réactions nucléaires. Ces différents mécanismes peuvent se produire dans un accélérateur, dans un réacteur nucléaire, ou au sein d’une cible laser.
 
     
 
Au sein du Service de Physique Nucléaire, l’étude des isomères couvre diverses activités menées par ses équipes expérimentales:
 
 
 
Mesure des moments nucléaires des états isomères de noyaux riches en neutrons, par exemple les moments gyromagnétique et quadrupolaire du 61mFe au GANIL à Caen.
 
Mesure de la section efficace de diffusion superélastique sur l’isomère K du lutétium 177 auprès de réacteurs nucléaires de recherche.
 
Mesure de la section efficace de diffusion inélastique de neutrons vers le premier état excité de l’235U auprès de l'assemblage critique Caliban situé sur le centre CEA/DAM de Valduc.
 
Mise en évidence de l’excitation par capture électronique (processus "NEEC") du 57Fe au GANIL à Caen.
 
Mise en évidence de l’excitation par transition électronique (processus "NEET") de l’235U dans un plasma créé par laser sur le laser Phebus du centre CEA/DAM de Limeil-Valenton ou sur un laser NdYAG au CENBG à Bordeaux.
 
 
     
 
Les isomères font aussi l'objet d'études théoriques. Par exemple, des isomères dans les noyaux de 192Pb, 194Pb ou 194Hg ont été prédits par des modèles microscopiques de type Hartree-Fock-Bogoliubov utilisant la force effective de Gogny. En particulier, des mesures de l’énergie et du moment d'inertie des bandes rotationnelles superdéformées ont pu être retrouvées par le calcul.
 
     
 
D'autres études théoriques ont permis de développer des modèles traitant de la désexcitation d'un état isomère dans un plasma chaud et dense. Ces calculs montrent que les temps de vie peuvent être modifiés de plusieurs ordres de grandeur.
 
     
 
  Consultez les expériences associées : auprès des réacteurs
 
     
 
  Consultez les expériences associées : au GANIL
 
   
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